Luc 12,13-21
Le grenier de l’homme insensé :
une parabole sur la nature de la Mission
Évangile du dimanche 3 août
par Pierre Perrier, académicien
Dans cet évangile Jésus met ses disciples en garde contre les richesses de ce monde ; mais le danger dont il veut les garantir en leur donnant cette parabole, c’est un esprit de possession qui va jusqu’à s’emparer de la Parole de Dieu.
Clin d'œil pour un nouveau regard sur la catéchèse :
Quand Jésus demande « Qui m’aurait installé juge devant vous pour faire vos partages ? » (Lc 12,14) Il pointe une différence essentielle entre les richesses de la terre et les richesses spirituelles. Les premières font l’objet de partages matériels : ce que l’un reçoit, l’autre ne peut aussi le recevoir et elles restent attachées à la vie terrestre. Les richesses spirituelles perdurent au contraire dans le Ciel et nous sont données à tous, de manière égale. Elles sont porteuses d’une fécondité humaine et spirituelle à laquelle les richesses matérielles ne sont d’ailleurs pas dispensées de concourir… pour transmettre de bons héritages.
Données introductives sur Luc 12,13-21
Évangile du dimanche 3 août 2025 : | 18e dimanche du Temps Ordinaire |
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Synopse de cet évangile : | dans aucun autre évangile |
Niveau d’enseignement : | 1er niveau : catéchèse de Jésus aux familles, "dans les maisons" (pour tous) |
Colliers évangéliques : |
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Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles. Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. |
L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc
chapitre 12, versets 13 à 21
Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.
- [1]Alors quelqu’un de cette foule lui dit : « maître enseignant[2] dit à mon frère de partager avec moi l’héritage. »
- Alors Jésus lui dit : « En tant qu’homme ordinaire[3] qui m’aurait installé juge devant vous pour faire vos partages ? »
- Et Il dit à ses disciples : « Gardez-vous de toute avidité, parce qu’il n’y a vraiment pas plus grande possession que celle des [trois] vies. »[4]
- Et Il leur dit en parabole : « Les terres d’un certain homme riche[5] lui avaient produit de grands revenus. »
- Et il se mit à réfléchir en lui-même et se dit : « Comment gérer ceci car je n’ai pas de lieu pour recueillir mes fruits ? »
- Et il se dit, à propos de ce qu’il avait à faire : « Je mettrai à bas mes greniers et j’en bâtirai de plus grands et j’y rassemblerai tous mes biens et ce que j’ai produit. »
- Et je me dirai en moi-même : « Mon âme, il y a là beaucoup de bonnes choses mises en réserve pour de nombreuses années ; sois à l’aise et mange et bois et réjouis-toi. »[6]
- Mais Dieu lui dit : « Raisonneur de travers : en cette nuit-même ton âme te sera réclamée et alors tes bons plaisirs, pour qui seront-ils ? »
- Ainsi en est-il pour qui thésaurise pour lui-même un trésor [terrestre] et qui n’est pas riche en Dieu.
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Commentaire et contexte de cet Évangile
L’Église en terre d’Israël
Cet évangile, dont la première perle (vv. 13-15) est tirée de la tresse des diacres et la seconde (vv. 16-21) du collier de la Miséricorde, s’inscrit dans une série d’enseignements qui concernent non seulement l’organisation des missions d’évangélisation et la place que l’Église naissante devait occuper au sein du peuple hébreu, mais aussi l’attitude que les chrétiens devaient avoir à l’égard des trésors de sagesse contenus dans la Torah.
Il soulève en fait un difficile problème qui s’est posé aux 12 et aux 72, dès avant la Résurrection : un problème qui n’a d’ailleurs pas cessé d’inquiéter les premières communautés chrétiennes, aussi longtemps que le Christianisme n’a pas débordé les limites du monde hébraïque et que l’Église a été confrontée à la méfiance des docteurs du Temple de Jérusalem et à l’hostilité des pharisiens.
L’Église concurrente de la Synagogue
Comment l’Église devait-elle se positionner à l’égard des institutions de l’ancienne loi, par rapport à leurs structures d’encadrement et aux enseignements qu’elles dispensaient au peuple, dans les synagogues et leurs annexes d’enseignement ? Les chrétiens devaient-ils pratiquer une sorte d’entrisme qui leur permettrait de prendre le contrôle de ces institutions et d’y faire entendre leur voix, ou bien se tenir résolument à l’écart et prêcher dans le désert comme l’avait fait Jean-Baptiste ?
Par ailleurs, comment l’enseignement des missionnaires de la Bonne Nouvelle, et singulièrement celui des diacres, devait-il se déployer pour concurrencer efficacement la parole bien rôdée des lévites de village et des rabbis ; lesquels gardaient jalousement leur terrain et étaient en situation d’exercer un contrôle sévère, aussi bien sur les pensées des enfants d’Israël que sur tous les détails de leur vie quotidienne ?
Du danger des richesses en général et des richesses spirituelles en particulier
Il ne faut pas voir dans la parabole que Jésus propose ici un banal précepte de sagesse, invitant les fidèles à mépriser les richesses et les plaisirs de ce bas monde, ou à prendre conscience du caractère transitoire de la vie ou de la vanité des richesses. Ce sont là des banalités philosophiques dont bien des penseurs de l’Antiquité - stoïciens et épicuriens confondus - avaient fait depuis longtemps leur fonds de commerce.
Les trésors auxquels Jésus fait allusion à travers cette « parabole du grenier » sont par eux-mêmes et au même titre que les grains de blé qui encombrent la vie du malheureux propriétaire[1], d’authentiques richesses qu’un homme peut très légitimement se réjouir de posséder.
Au sens métaphorique que Jésus leur attribue, ils représentent les enseignements religieux que les enfants d’Israël ont reçus en abondance de la bouche de leurs Grands-Prêtres et de leurs rabbis et qu’ils se sont transmis de génération en génération, comme un précieux héritage. Ce sont des Paroles que Dieu a Lui-même adressées à ses prophètes afin qu’elles soient annoncées à tout son peuple.
Jésus bouscule la foi des croyants
Trésor inouï s’il en fût et dont on ne saurait mettre en doute le caractère sacré ; mais trésor aussi dont il convient de ne pas négliger le danger qu’il représente pour la vie spirituelle de l’homme et dont Jésus voudrait mettre ses disciples à l’abri.
Ce danger tient au fait qu’à être recherchées et possédées sans prudence ni discernement les meilleures choses du monde - et les paroles les plus justes - risquent de donner au croyant le sentiment d’être rassasié[2] et ainsi, de se transformer en un piège fatal, propre à éteindre en lui le désir de progresser dans la vie spirituelle. C’est ce qu’exprime un fameux proverbe talmudique :
« toute idée vraie risque de devenir fausse, à partir du moment où on s’en contente ».
La paix intérieure et le bonheur que le croyant peut retirer de sa pratique religieuse présente le risque de transformer sa foi en une routine de vie et ses croyances en certitudes ; ce qui ne manquera pas d’éteindre en lui la crainte de Dieu et le vrai désir du Ciel.
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L’homme qui thésaurise
James Tissot - entre 1886 et 1894
Brooklyn Museum

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