Jean 14,15-26

Une Parole que Jésus « re-féconde » par son Amour

Évangile du dimanche 8 juin

Les Paroles de Jésus ne se réduisent pas à un contenu simplement intelligible. Plutôt que par des concepts abstraits et des démonstrations logiques, leur sens s’exprime à travers des analogies qui l’enracinent dans la réalité charnelle. Ce sont essentiellement des « Paroles de Vie », c’est-à-dire des Paroles qui sont de nature à connecter l’esprit de la créature avec l’Amour de Celui qui lui donne de vivre ; avec cet Amour Infini qui, en circulant incessamment entre le Père et le Fils, a le pouvoir d’entrainer l’homme dans « la procession de l’Esprit-Saint » et de rendre son âme participante du grand Mystère de la Sainte-Trinité.

Données introductives sur Jean 14,15-26

Évangile du dimanche 8 juin 2025 :	Pentecôte - Année C
Synopse de cet évangile :	Jean 15,9-10 & 16,12-13 et 16 et 27
Niveau d’enseignement :	3^e niveau : enseignements de Jésus aux apôtres (pour les prêtres)
Colliers évangéliques :	Filet de Jean : collier (C3) des sacrements Filet de Jean : collier (L6) Jésus Verbe de Dieu
Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles. Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. Consulter Les colliers évangéliques (2003) et La mémoire en damiers (2023) et Marie Mère de l’Église (2025).

L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Jean
chapitre 14, versets 15 à 26

Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.

Si vous M’aimez beaucoup, gardez Mes recommandations.
Et Moi, Je chercherai à avoir de Mon Père qu’Un Autre Accompagnateur [Paraclet]^[1] vous soit donné pour être avec vous pour le Temps du Monde.
L’Esprit de "toute Vérité"^[2], Celui que le monde n’est pas capable de recevoir, parce qu’il ne Le voit pas et ne Le connaît pas. Mais vous, vous Le reconnaîtrez, parce qu’Il demeurera auprès de vous, et qu’Il sera en vous.
Je ne vous abandonnerai pas comme des orphelins, car Moi Je reviendrai vers vous peu après [la Passion^[3]].
Et le Monde ne Me verra plus mais vous Me reverrez car Je serai à nouveau Vivant, de sorte que vous aussi vous vivrez [de la Vie nouvelle].
En ce Jour-là vous saurez que Moi, Je suis en Mon Père, et vous en Moi, et que Je suis en vous.
Celui qui a soin de Mes recommandations et les garde en Lui M’est cher ; ainsi parce qu’il M’aimera jusqu’à ses entrailles^[4] il sera aimé de Mon Père. Et Moi, Je l’aimerai aussi profondément et Je Me manifesterai à lui.
Jude, et non pas celui de Kériot, lui dit : « mon Seigneur, d’où vient que Tu seras manifesté à nous qui sommes si faibles, et non à ceux du Monde ? »
Jésus répondit et lui dit : « Celui qui m’aime Moi profondément devient le gardien de Ma Parole et mon Père l’aimera. Nous [Jésus et la personne] habiterons alors auprès de Lui [le Père] pour agir en communion^[5]. »
Car celui qui ne M’aime pas Moi profondément ne peut pas garder ma Parole ; celle que vous avez entendue de Moi et qui n’est pas de Moi mais de mon Père, qui M’a envoyé !
Ces choses que j’ai épelées^[6] avec vous quand J’étais auprès de vous.
Mais le Répétiteur^[7], l’Esprit de Sanctification, est Celui qu’a envoyé mon Père en mon Nom^[8], Il est ici pour vous enseigner tous les faits et gestes et pour vous rappeler tout ce que Je vous ai dit.

Note(s) sur ces versets :

[1] Paraklita : mot grec pris du domaine juridique aussi utilisé pour aider les acteurs de théâtre dans le rôle de souffleur. Le théâtre ne se pratique pas dans la culture araméenne et l’usage du mot paraqlita a glissé dans le domaine liturgique pour signifier le souffleur : un excellent connaisseur des Écritures Saintes, qui se place à côté du récitant pour l’aider dans sa proclamation. Rappelons-nous que les rouleaux d’Écritures Saintes ne contiennent pas les voyelles, les intonations etc. afin de gagner de la place et de réduire le coût de fabrication des rouleaux ; l’écrit n’est là qu’en support de textes préalablement mémorisés par cœur.

[2] Le mot employé en araméen désigne ici la vérité de cohérence, voir notre commentaire sur "Quid est veritas".

[3] Cf. notre commentaire sur Luc 22,7 à 23,56 : La Passion du Christ selon Marie.

[4] L’amour jusqu’aux entrailles s’accroche viscéralement à nous comme le tout jeune enfant s’accroche à sa mère, très loin des Like des réseaux sociaux ;-).

[5] Par l’impulsion de l’Esprit Saint qui relie le Père et le Fils à l’homme ; il ne s’agit pas d’une cohabitation dans un même lieu mais d’une relation vivante, de cœur à cœur.
La parcelle de l’esprit reçue de Dieu lors de notre création nous permet d’appeler Dieu "notre Père" et d’avoir une relation de frère avec Jésus, ce qui permet en araméen de dire "nous" pour signifier l’homme ET Jésus. Ainsi l’araméen se distingue nettement des textes en grec et en latin par l’utilisation du "Nous" et du "Lui".

[6] Cela fait référence à une méthode orale de mémorisation par cœur.

[7] L’araméen utilise le mot grec "paraqlita" qui signifie celui qui parle pour une autre personne afin de le défendre ou qui le conseille, tel un avocat.

[8] "en mon nom" fait référence à la signification du prénom Jésus : "Celui qui fait entrer"... dans la Vie.

Revecez Etphata par email
grâce à notre lettre :

Commentaire et contexte de cet Évangile

Au-delà de la Parole

Ce que Jésus enseigne dans cette page d’évangile (et Il le fait comme toujours avec un grand souci pédagogique) c’est à la fois un singulier processus de mémorisation de la Parole de Dieu et une initiation à la vie spirituelle. Pour Lui, il s’agit en effet de faire entrer le croyant dans une démarche de méditation et de rumination mentale qui l’amènera à vivre dans un véritable cœur-à-cœur avec son Dieu.

Pour le disciple, il ne s’agira donc pas seulement d’assimiler les idées explicitement contenues dans les Écritures Saintes, en s’en tenant au sens dénoté des mots qui les composent. Il s’agira d’aller au-delà des Paroles - comme le poète qui va chercher un sens inspiré au-delà des mots de son poème - afin d’accueillir et de laisser se développer dans le fond de son cœur, un processus de fécondité qui caractérise toute vie spirituelle authentique.

Une Parole mémorisée

L’initiation que Jésus propose ici relève d’une conception très singulière de la vie mentale. C’est une véritable anthropologie de la pensée. Dans l’accueil de la Parole, elle distingue deux niveaux complémentaires, ou deux étapes.
Il y a d’abord les Paroles que le Père adresse à son peuple, non seulement par l’entremise de son Fils et de ses prophètes, mais aussi à travers les enseignements qu’Il a chargé les rabbis et les lévites de dispenser à son peuple, dans le Temple de Jérusalem comme dans les plus humbles villages de la terre d’Israël. Elles doivent être apprises par cœur et ruminées sans cesse, afin que les disciples les gardent bien profondément enfouies dans leur cœur ; à la manière d’une semence que le semeur a jetée dans une terre féconde et qui y attend le moment où elle portera du fruit.

Ces Paroles sont les Paroles du Père et elles possèdent évidemment un grand poids de vérité et de sainteté. Par elles-mêmes, elles sont de nature à toucher l’esprit de l’homme et à travailler son cœur jusque dans ses recoins les plus intimes.

Une Parole fécondée par l’Amour qui émane du Cœur de Jésus

Pour autant, à le concevoir de la sorte, l’accueil de la Parole ne saurait être qu’une première étape dans son déploiement spirituel ; c’est-à-dire dans un processus complexe et mystérieux qui doit ouvrir l’esprit et le cœur des hommes à un véritable échange avec Dieu, faisant d’eux ce que Paul appellera des « spirituels ».

Pour qu’il en soit ainsi, le fidèle doit se garder de recevoir la Bonne-Nouvelle comme une simple idée que son esprit pourrait saisir intellectuellement, pour la monnayer en théories et en concepts. Il doit au contraire bien garder à l’esprit que, plus que des arguments, les Paroles de Jésus sont des graines jetées en terre et qu’elles ne laisseront deviner la plénitude de leur sens que lorsqu’elles auront été « re-fécondées » dans le cœur des disciples, par cette nouvelle et inépuisable effusion de l’Amour que Jésus est venu manifester dans le Monde et à chaque homme en particulier.

Un Esprit qui souffle à l’oreille du récitateur de la Parole

En disant à l’homme que « le Père et le Fils feront en lui Leur demeure », et que le Père « lui enverra l’Esprit-Saint en Son Nom », Jésus donne du fonctionnement interne de la Trinité une représentation qui nous parle de la relation de frère que nous pouvons entretenir avec Jésus. Et cette représentation a surtout le mérite de bien préciser quel doit être le rôle dévolu au "paraqlita". Ainsi appelait-on en Israël l’Esprit qui souffle la Parole de Dieu à l’oreille de ceux qui écoutent l’enseignement ; tous ceux qui, à force de colliers et de damiers, L’ont mémorisée avec méthode et patience ; en La gravant dans leur esprit et dans leur cœur pour pouvoir La réciter avec fidélité et Lui faire produire des fruits pour la vie éternelle.

Annoncer la Bonne Nouvelle... nous concerne tous

Invitez vos proches à découvrir ce contenu en leur communiquant l'adresse de cette page (copier l'adresse) ou directement grâce à ces liens pour WhatsApp , Facebook , X (Twitter) , LinkedIn et sinon par email. Nous comptons sur vous.

Pierre Perrier