Luc 16,19-31
Lazare et le mauvais riche ou l’enjeu de la Miséricorde
Évangile du dimanche 28 septembre
par Pierre Perrier, académicien
Comme souvent chez saint Luc, ce passage de l’évangile porte à la fois sur l’importance de la Miséricorde et sur celle du Jugement Divin ; deux réalités qui permettront aux hommes - qu’ils soient ou non les enfants d’Abraham - d’entrer définitivement dans la Vie Éternelle.
Tel est l’enjeu que pose cet enseignement ; et le moins qu’on puisse dire est qu’il ne cherche pas à minimiser les difficultés de l’épreuve. Relativement à nos fins dernières, il nous adresse au contraire la plus sévère des mises en garde.
Clin d'œil pour un nouveau regard sur la catéchèse :
En lui rappelant la réalité de ce qui se passe après la mort, la "rumination" mot à mot de cette parabole d’Évangile n’est-elle pas de nature à interpeller notre époque et sa frénésie de consommation ?
Données introductives sur Luc 16,19-31
Évangile du dimanche 28 septembre 2025 : | 26e dimanche du Temps Ordinaire |
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Synopse de cet évangile : | dans aucun autre évangile |
Complément d'information : | Marie Mère de l’Église page 500 |
Niveau d’enseignement : | 1er niveau : catéchèse de Jésus aux familles, "dans les maisons" (pour tous) |
Collier évangélique : | Collier de la Miséricorde |
Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles. Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. |
L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc
chapitre 16, versets 19 à 31
Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.
- [1]Or il y avait un homme particulièrement riche et qui portait des vêtements de pourpre sur du lin fin[2] et chaque jour il festoyait et était dans la superbe.
- Et il y avait un homme particulièrement pauvre, dont le nom était Lazare[3]. Il restait couché au seuil de la porte de ce riche et il était couvert de blessures.
- Et il espérait rassasier son ventre des miettes qui tombaient de la table du riche, mais il y avait aussi des chiens qui venaient lécher ses blessures.[4]
- Ensuite il y eut la mort de ce pauvre qui fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham et le riche aussi mourut et fut enterré.
- Et vint le temps où il était au fond du Shéol, et levant les yeux il vit de loin Abraham, et Lazare dans le sein d’Abraham.
- Et il se mit à crier et à dire : "Abraham, mon père, ayez pitié de moi et envoyez Lazare pour qu’il trempe le bout de son doigt dans l’eau et qu’il humidifie ma langue, car moi je suis au plus profond, tourmenté dans cette flamme."[5]
- Abraham lui dit : "Mon enfant, souviens-toi que tu as reçu de bonnes choses dans ta vie et Lazare seulement des maux ; et maintenant il est dans la sérénité et toi tu souffres.
- Et en plus de cela, il y a un grand espace installé entre nous et vous, et ni ceux qui voudraient passer d’ici jusqu’à vous ne le peuvent, ni non plus ceux qui voudraient passer de là où vous êtes vers nous."
- Il lui dit : "Je te prie alors, mon Père, pour qu’il soit envoyé dans la maison de mon père.
- En effet j’ai cinq frères : qu’il aille et rende témoignage afin qu’ils ne viennent pas aussi dans ce lieu de tourments."
- Abraham lui dit : "Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent."
- Alors il se mit à lui dire : "Non, mon Père Abraham, mais si seulement un homme revenant des morts allait auprès d’eux, ils se convertiraient."
- Abraham lui dit : "S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils n’écouteront pas non plus si quelqu’un, venant des morts, se relevait."
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Commentaire et contexte de cet Évangile
L’indispensable charité
Pour quitter la « deuxième vie » - celle du Shéol - et avoir part aux béatitudes célestes, il ne nous suffira pas de manifester le désir de nous mettre en règle avec la justice divine ; ni même de faire montre d’un tardif sentiment de compassion vis-à-vis de ceux que nous aurons laissés derrière nous, sans nous préoccuper d’alléger leurs misères. C’est seulement à la pureté de notre amour et à l’engagement désintéressé de notre charité, ici-bas comme au Shéol, que nous serons dignes d’entrer dans le Royaume. Dieu qui « sonde les reins et les cœurs » ne s’en laissera pas compter et Il ne se contentera pas de nos faux-semblants de vertu.
En évoquant le destin tragique d’un homme absorbé par le luxe tapageur et les plaisirs d’une vie superficielle, cet évangile fournit une cruelle illustration à l’enseignement que Saint Paul donne dans sa lettre aux Corinthiens (13,1) : « S’il n’a pas la charité, l’homme n’est qu’un airain qui résonne, une cymbale qui retentit. »
C’est bien là, la question que nous devons tous nous poser à la lecture de cet évangile, une question qui ne semble pas effleurer l’esprit du mauvais riche. Une fois que notre vie terrestre sera terminée et qu’il s’agira d’effectuer une traversée du Shéol, trouverons-nous dans le secret de notre cœur cette petite parcelle de véritable amour et de compassion sincère qui nous rendra enfin compatissants envers nos semblables et qui nous ouvrira peut-être, grâce à eux, à l’heureuse Vie Éternelle ?
Un pauvre nommé Lazare et un riche sans nom
Dans ce texte il est un détail que beaucoup de commentateurs ont relevé et qui a beaucoup de sens. C’est le fait paradoxal que le pauvre se voit attribuer un nom et donc une identité, alors qu’on ne sait pas du tout comment le riche s’appelle. C’est seulement à travers ses richesses que celui-ci est perçu ; des richesses qui le possèdent plus qu’il ne les possède et dont on dirait qu’elles ont eu pour effet de dissoudre sa personnalité. Pour les gens qu’il regarde de loin et qui ne l’intéressent nullement, il est seulement connu comme « le riche » ; qualificatif qui ne dit rien, ni de sa personnalité, ni de son âme et qui surtout ne laisse rien entendre quant au rôle qu’il pourrait avoir à jouer dans le plan de Dieu.
Dans la tradition hébraïque en effet, le fait de donner un nom ou plutôt un surnom à un individu revenait à lui attribuer une mission singulière et à projeter sa vie dans un plan divin qu’il aurait à accomplir fidèlement. C’est notamment ce que fait Jésus quand il rebaptise Simon pour l’appeler Pierre ; lui indiquant ainsi le rôle qu’Il aurait à jouer dans la fondation de Son Église.
Par son étymologie, le nom que le pauvre se voit attribuer est quant à lui plein de sens. Le mot « Lazare »[1] signifie en effet « Dieu prend soin » : qualificatif qui peut s’appliquer aussi bien à notre mendiant qu’à un autre Lazare qui intervient dans l’évangile et qui n’est autre que le frère de Marthe et de Marie. C’est d’évidence Dieu qui agit à travers la résurrection que Jésus opère à Béthanie à la veille de sa Passion[2]. Mais Il agit également, à sa façon qui n’est pas celle des hommes, à travers les souffrances, les maladies et la misère qui accablent un pauvre mendiant dont la situation pourrait paraître excessivement scandaleuse, et même faire douter de la justice de Dieu, si elle n’annonçait son accueil prochain dans le « Sein d’Abraham » et son entrée à venir dans la Vie éternelle.
Le Shéol : un lieu de conscience où l’on peut encore prier
Pour comprendre ce que cet évangile nous enseigne relativement à la miséricorde divine, il convient de remarquer que, s’il ne parvient pas à communiquer avec les vivants, le mauvais riche ne perd pas pour autant tout espoir de salut. Le texte ne dit pas qu’il est ou qu’il ira en enfer. Il faut remarquer en effet que, quelle que soit la sécheresse de son cœur, il garde la possibilité de prier, de demander pour lui l’intercession de Lazare, et d’intercéder lui-même en faveur de ses frères afin que Dieu les éclaire et qu’ils cessent de le suivre sur le chemin du péché. Contrairement à ce que dit la tradition protestante, tout n’est pas perdu avec la « première mort », de sorte qu’il est légitime de prier pour les défunts ; le shéol étant un lieu de passage et de purification où chaque homme conserve la possibilité de se décider pour Dieu et de se sauver.
Mais la partie n’est pas pour autant jouée d’avance et le plus dur reste à faire. Ce n’est pas le fait d’intervenir en faveur de ses frères qui sauvera le mauvais riche. Une telle démarche ne porte pas la preuve d’une profonde et sincère conversion. Car ce que Dieu lui reproche, c’est d’avoir eu le cœur endurci et de n’avoir pas éprouvé de compassion pour un malheureux qui criait misère à sa porte. Le problème pour le mauvais riche, ce n’est pas de savoir s’il parviendra, in extremis à se mettre en règle avec la morale des hommes et la justice divine … mais s’il sera capable de briser la carapace d’indifférence dont une longue vie de plaisirs égoïstes et de rapacités a réussi à blinder le cœur … le rendant incapable de vivre dans cet amour du prochain qui fait vivre de la vie même de Dieu et ouvre les portes de la bienheureuse Vie Éternelle.
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Le pauvre Lazare à la porte du riche
James Tissot 1886-1894
Brooklyn Museum

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