Luc 6,27-38

Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux

Pour mener une vie chrétienne, l’Évangile de Luc prodigue des conseils très pratiques que les diacres auront mission de transmettre et les familles de mettre en pratique. Il s’agira de purifier la relation entre les hommes en agissant à l’imitation de Dieu : par la force d’un amour d’où procèderont empathie et miséricorde.

Données introductives sur Luc 6,27-38

Évangile du dimanche 23 février 2025 :	7^ème dimanche du Temps Ordinaire - Année C
Synopse de cet évangile :	Marc 4,24 Matthieu 5, 39-40 et 43-45 & 7, 1-2 et 12
Complément d'information :	Marie Mère de l’Église pages 379 et 515
Niveau d’enseignement :	1^er niveau : Catéchèse de Jésus aux familles, "dans les maisons" (pour tous)
Collier évangélique :	Collier lévitique (Malpanoutha)
Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles ; Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. Consulter Les colliers évangéliques (2003) et La mémoire en damiers (2023).

L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc
chapitre 6, versets 27 à 38

Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.

A vous qui m’écoutez Je le dis ainsi : « aimez vos ennemis et faites du bien à ceux qui vous haïssent,
et bénissez ceux qui vous maudissent et priez pour ceux qui vous obligent à entrer dans la violence,
à celui qui frappe sur ta mâchoire, rapproche toi de lui d’une autre façon^[1],
et à celui qui t’enlève ton manteau n’aie plus confiance en lui sinon tu lui laisseras aussi ta tunique.
A tous ceux qui t’empruntent, prête, mais à celui qui t’es redevable redresse votre relation.
Et comme vous voudriez que fassent pour vous les enfants des hommes^[2],
de même faites-le aussi pour eux,
car si vous^[3] aimez [seulement] ceux qui vous aiment quelles grâces vous en rendre^[4] ?
Car même les pécheurs le font.
Et si vous faites du bien à ceux qui vous en font, quelles grâces vous en rendre ?
Car même les pécheurs le font.
Et si vous prêtez en espérant une récompense, quelles grâces vous en rendre ?
Car même les pécheurs le font.
En premier aimez vos ennemis et faites leur du bien et prêtez pour donner de l’espoir même si l’on ne vous redonne qu’une petite part ; Et vos récompenses seront nombreuses en étant ainsi des enfants de Celui qui Est le Très Haut dans les cieux même pour les mauvais et pour ceux qui le renient.
Soyez donc des maîtres en ayant pitié comme aussi votre Père est maître en ayant pitié.^[5]
Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés, et ne condamnez pas et vous ne serez pas condamnés, déliez et vous serez sans lien.
Donnez, et il vous sera redonné : une mesure bonne et bien tassée^[6], dont vous pourrez assimiler l’abondance. Car la mesure dont vous vous servez servira de mesure pour vous. »

Notes sur ces versets :

[1] Frapper sur la mâchoire est une expression araméenne comparable à un « ferme ta gueule » en argot, et le « rapproche toi » implique de reformuler notre parole. Voir à ce sujet Jean 18,22-23 en comprenant bien que la gifle des traductions habituelles est ce même « ferme ta gueule ».

[2] Des enfants, tout comme nous ; Il s’agit de relations respectueuses entre les hommes, loin de l’esclavage. Notons qu’en Mésopotamie et en Israël, l’esclave ne perd pas sa volonté propre mais doit simplement travailler pour rembourser sa dette. En plus, en Israël, cela ne pouvait durer plus de sept ans. Cela s’oppose à l’esclavage grec ou romain qui considérait l’esclave comme un objet du droit.

[3] En araméen, il n’y a pas de vouvoiement. Il s’agit ici d’un ensemble d’individus.

[4] La grâce apporte un don de liberté qui permet de dépasser les rapports de violence amenant à des relations de cœur à cœur.

[5] Jésus parle de pitié aux hommes parce qu’ils ne sont pas encore capables de comprendre l’idée de miséricorde. Celle-ci suppose qu’on prenne sur soi la souffrance de celui dont on a pitié ET qu’on agisse ; comme Dieu l’a fait en Jésus fait homme.

[6] Autrement dit, il n’y aura que l’essentiel.

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Commentaire et contexte de cet Évangile

Un évangile pour les gentils

L’évangile de Matthieu s’adresse à un public de circoncis. Il consiste essentiellement en un commentaire approfondi de la torah et de ses enseignements de sagesse. Il faut être un enfant d’Israël pour en comprendre toute la richesse ! Au contraire, celui de Luc est prioritairement destiné à des gens issus du monde des nations païennes ; c’est-à-dire à un public qui, dans sa grande majorité, ignore tout des traditions et du tour d’esprit des hommes de la Bible ; et surtout de la façon qui était la leur de composer les textes « en spirale » ; en s’aidant de colliers mnémotechniques et de damiers.

C’est ce qui oblige cet évangéliste à adapter sa catéchèse, en tenant compte de la singularité de leurs modes de pensée ; c’est-à-dire d’une pensée linéaire qui a été largement formatée par l’hellénisme ; avec sa rationalité philosophique sous-jacente, son esprit de rigueur et sa quête de cohérence. C’est une pensée qui a tendance à énumérer les idées, en les faisant se succéder dans un discours avec si possible une absolue logique.

Ainsi Luc expose-t-il avec méthode et en suivant un ordre volontiers schématique, la série de préceptes moraux que son enseignement comporte et qu’il illustre grâce à des cas concrets.

Un enseignement méthodique et clair

Le texte qui nous occupe ici est significatif à cet égard. Il range en effet les préceptes en trois groupes bien distincts ; chacun de ces groupes comprenant quatre versets et étant consacré à un thème bien défini :

Le premier groupe (27-30) concerne les conflits entre les personnes,
Le deuxième groupe (31-34) est consacré à la manière de faire des dons et de les recevoir,
Le troisième groupe (35-38) insiste sur la nécessité pour les Chrétiens de devenir meilleurs que les autres hommes ; en prenant le Père Céleste pour modèle.

Un enseignement dont il ne faut pas ignorer les subtilités

Le lecteur ne peut être que frappé par le caractère percutant des formules retenues et par le tour elliptique de leur formulation. Ce sont des outils de précision donnés aux diacres pour frapper l’imagination de leurs auditeurs et emporter leur conviction. Ces courtes sentences (pour ne pas dire ces « éléments de langage ») ne peuvent laisser indifférent et elles font mouche.
Pour autant il ne faudrait pas faire l’erreur de s’arrêter à cet aspect formel et à la qualité de ces arguments ; en négligeant les subtilités de leur contenu. Et il convient pour cela de les replacer dans le contexte ethnographique et culturel qui est le leur, c’est à dire dans l’univers mental du peuple d’Israël.

D’une joue à l’autre

Prenons pour exemple ce verset si souvent cité et qui étonne toujours peu ou prou les lecteurs ; aussi bien les Chrétiens que les non-chrétiens : « Si on te frappe sur la joue droite, tends aussi la gauche ».
Contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture trop hâtive, le conseil donné par cette phrase n’est pas de répondre à la violence par une attitude de soumission et de veulerie. Il est au contraire de pratiquer une surenchère d’amour, en adoptant une attitude à la fois courageuse et irénique qui consistera à proposer à l’adversaire une autre manière d’aborder le litige. La sentence fait allusion à une pratique encore courante dans le monde oriental et qui consiste à faire taire un contradicteur en lui plaquant la main sur le visage. L’expression « tendre l’autre joue » évoque donc l’idée de proposer à son interlocuteur agressif un autre sujet de débat ou une autre manière un peu différente d’aborder la question et de ce fait susceptible de renouer le dialogue et de donner une chance à la réconciliation.

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par Pierre Perrier