Luc 21,5-19

Veiller dans la foi face à la folle destruction du Temple

Évangile du dimanche 16 novembre

En évoquant les guerres, les catastrophes naturelles et les persécutions qui frapperont les disciples du Christ, cette page d’évangile semble trouver un inquiétant écho dans les évènements qui agitent notre monde contemporain. À la lire, ne dirait-on pas qu’il s’agit d’une feuille d’actualité ? Certes, les Paroles de Jésus visent principalement les évènements qui se succéderont entre Sa Résurrection et la ruine du Temple. Mais il faut bien voir que leur sens prophétique se projette bien au-delà de cette période de quarante années et qu’il concerne aussi ce long combat eschatologique que sera l’histoire de l’humanité.

Données introductives sur Luc 21,5-19

L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc
chapitre 21, versets 5 à 19

Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.

5. ^[1]Entrant dans le Temple, plusieurs se mirent à parler de ses belles pierres et de ses offrandes bien ornées et [alors] Jésus leur dit :
6. "De ces choses que vous voyez il viendra des jours où il n’en restera pas pierre sur pierre et elles seront toutes détruites."^[2]
7. Et ils se mirent à L’interroger en disant : "Notre Maitre, quand ces choses seront-elles ainsi, et quel sera le signe de leur proche avènement ?"
8. Alors Il leur dit : "Voyez ce qui peut tromper car beaucoup viendront en Mon Nom en disant : « C’est bien moi le messie et le temps est proche. » Alors ne vous mettez pas à aller derrière eux.
9. Et quand vous entendrez parler de corps à corps et de révoltes, n’ayez pas peur car cela sera le début mais pas encore la fin [de ce qui se prépare].
10. En effet, une nation se dressera contre une nation et un royaume contre un royaume.
11. Et des tremblements de terre terrifiants auront lieu endroit par endroit et des famines et des pestes mortifères,
    et il y aura un temps pour la douceur et un enseignement à recevoir^[3],
    et des Signes grands et terribles venant des cieux, bien visibles et terribles, et des orages grands et terrifiants d’eau mauvaise seront là.
12. Or avant que toutes ces choses aient eu lieu, ils mettront la main sur vous et vous persécuteront et vous livreront aux synagogues et, de là, aux chaines des prisons, et ils vous feront comparaitre face aux rois et aux gouverneurs, à cause de Mon Nom.
13. Ainsi sera fait à votre encontre pour avoir votre témoignage.^[4]
14. Décidez alors dans votre cœur de ne pas vous soucier de la façon dont l’Esprit mènera à bien votre défense.
15. Moi-même en effet, Je vais venir vous donner une bouche et une sagesse contre lesquelles tous vos adversaires ne seront capables ni de résister ni de contredire.^[5]
16. Or vous serez livrés par vos pères et vos frères et vos proches et vos amis, et parmi eux seront ceux qui vous mettront à mort.
17. Car c’est à cause de Mon Nom que la haine envers vous est en eux.
18. Mais pas un cheveu venant de vos têtes ne périra.^[6]
19. Dans votre endurance vous aurez ainsi acquis la maitrise de vous-mêmes.

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Commentaire et contexte de cet Évangile

Le Temple tout entier sera détruit

La destruction annoncée par Jésus sera totale. Elle concernera, non seulement les magnifiques bâtiments élevés sous le règne d’Hérode, dont son temple doré, mais encore les ex-voto et les offrandes qui s’y sont entassées depuis des générations et qui font l’admiration des apôtres. Autrement dit, il sera aussi fait table rase des pratiques rituelles et des actes de piété dans lesquelles communiait tout un peuple de fidèles et qui faisaient de Jérusalem le plus grand et le plus fervent sanctuaire religieux du Monde Antique. En même temps que de précieux objets de liturgie et d’art, la dévastation annoncée touchera en somme la vie religieuse tout entière, avec ses encens, ses cérémonies et ses rituels vénérables. Sans oublier la riche et millénaire culture du peuple hébreu, qui est liée à la présence centrale de Dieu dans le Temple et se différencie de la symbolique des Grecs et de leur philosophie.

Le démon à la manœuvre

Cette catastrophe ne se produira pas sans qu’en soient donnés les signes avant-coureurs que demandent les apôtres ; des signes qui continueront à être donnés après la destruction du Temple et ne laisseront pas de se manifester, de façon récurrente, pendant toute l’histoire de l’Église. C’est-à-dire jusqu’à ce qu’advienne "le temps de la fin".
Il s’agira de tremblements de terre et de prodiges célestes qui rappelleront aux hommes la fragilité de leur condition. Mais ce sera aussi et peut-être surtout des évènements dans lesquels on pourra reconnaître l’action directe du Mauvais ; avec notamment toute la kyrielle des faux messies^[1] qui se feront passer pour le Christ et chercheront à détourner Israël de sa mission prophétique, en entraînant le peuple élu dans des révoltes suicidaires^[2].

Persécutés pour le Nom de Jésus

Ce sera une grande variété de malheurs qui s’abattra sur le peuple de Dieu. Mais derrière ces malheurs se cachera toutefois une cause unique qui sera la haine sans borne et sans rémission qui en tous lieux et en tous temps sera vouée à Jésus par les fils de ce monde et par les enfants des ténèbres.
Elle se manifestera par des persécutions sans cesse renaissantes qui mobiliseront contre l’Église les trois pouvoirs qui structurent la vie de la société :

• le pouvoir de la Synagogue qui, en contrôlant la vie intellectuelle, religieuse et morale cherchera à exercer son contrôle sur tous les aspects de la vie,
• le pouvoir des gouverneurs qui commandent à la force politique et chercheront toujours à imposer à l’Église la volonté de leurs princes,
• le pouvoir des juges, enfin, qui disposent de l’arme redoutable de la loi et ne se priveront jamais de l’utiliser a maxima contre les disciples de Jésus.

Ne surtout pas argumenter avec le Malin

L’enseignement le plus important de ce texte réside sans doute dans le conseil, pour le moins étonnant, que Jésus donne à ses disciples ; afin qu’ils sachent se comporter dans les temps de persécutions qui précéderont la ruine du Temple, comme dans ceux qui se renouvelleront tout au long de l’histoire, après que les Chrétiens auront fui Jérusalem.

La règle que les disciples devront suivre sera de ne surtout pas argumenter avec le Malin. Il est le « prince du mensonge » et son intelligence est celle d’un ange. Il aura toujours raison de la pensée humaine et de ses fragiles conjectures. Confronté à l’iniquité de ses juges, à la mauvaise foi de ses accusateurs et à la méchanceté de ses tortionnaires, le disciple ne devra pas chercher à construire lui-même sa propre défense, en peaufinant les arguments qui ne pourraient que l’enferrer dans la logique de ses accusateurs, pour au final se retourner contre lui.

Il devra seulement se mettre en état d’accueillir avec docilité de cœur et confiance les Paroles que son Divin Maître ne manquera pas de lui inspirer ; les gravant dans son cœur après les avoir instillées dans son esprit par l’intermédiaire de sa gorge (nephesh) ; c’est-à-dire par cette manière de « connecteur » qui (selon l’anthropologie biblique) met l’intériorité de la conscience de l’homme en relation avec l’Esprit qui lui vient de l’extérieur^[3] ; un connecteur dont la tradition biblique utilise analogiquement l’image pour exprimer la relation d’intrication et d’échange qui peut s’établir entre l’esprit d’un croyant (qui fait mentalement le geste d’accueillir la Parole de Dieu) et la pensée divine (qui se « révèle » à lui souverainement).

Face aux menaces et à la violence déchaînées contre lui, face à la mauvaise foi de ses accusateurs et aux questions perfides de ses juges, ce qui sauvera le disciple de Jésus-Christ, ce ne sera ni son intelligence personnelle, ni le faible courage qu’il tirera de son propre cœur, mais bien plutôt les Paroles que son divin Maître lui inspirera Lui-même, en lui donnant la force nécessaire pour les proclamer ; des Paroles que la pauvreté de son cœur lui donnera la capacité d’accueillir avec humilité et de proclamer avec la fermeté d’un martyr.

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