Marc 5,21-43
Les miracles de la femme impure et de la fille de Jaïre
Commentaire d’Évangile
Par ces miracles, Jésus place la femme au centre de la Société et de la Famille. Son rôle sera déterminant pour l’Église. Par ailleurs, le miracle de la fille de Jaïre est l’un des premiers témoignages d’expérience de mort imminente (EMI) sur lesquelles la science moderne s’interroge.
Évangile du 30 juin 2024 : | 13ème Dimanche du Temps Ordinaire - Année B |
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Synopse de cet Évangile : |
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Niveaux d’enseignement : |
1er niveau : Catéchèse de Jésus aux familles, "dans les maisons" (pour tous) 2ème niveau : Enseignements de Jésus aux disciples (pour les diacres) 3ème niveau : Enseignements de Jésus aux apôtres (pour les prêtres) Niveau supérieur : Révélations de Dieu aux mystiques |
Collier évangélique : |
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Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles ; Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. |
L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Marc
chapitre 5, versets 21 à 43
Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.
- Jésus en bateau de retour de pèlerinage[1] regagna l’autre rive, où une grande foule s’assembla près de lui quand il accosta.
- Alors vint un des chefs de la synagogue, nommé Jaïre, quand il arrive à le voir il s’approche et tombe à ses pieds
- et il le supplie avec beaucoup de gestes et il lui dit : « Ma jeune fille est au plus mal, viens, impose-lui les mains, afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive ».
- Jésus va avec lui et une grande foule le suit et se bouscule contre lui.
- Or il y avait là une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans.
- Elle avait beaucoup souffert entre les mains de plusieurs médecins et elle avait dépensé tout ce qu’elle possédait et n’avait éprouvé aucun soulagement mais c’était plutôt allé en empirant.
- Ayant entendu parler de Jésus, elle vint dans la foule et toucha son vêtement par derrière.
- Car elle avait dit : « Si je touche juste son vêtement, je vais revivre ».
- Et oui, la source de son sang s’assécha aussitôt : elle ressentit instantanément dans son corps que sa plaie était guérie.
- Mais Jésus connut aussitôt en lui-même qu’une force était sortie de lui ; et, se retournant vers la foule, il dit : « Qui a touché mon vêtement ? »
- Ses disciples lui dirent : Tu vois la foule t’écraser, et tu dis : « Qui m’a touché ? »
- Et il se mit à regarder autour pour voir celle qui l’avait fait
- et voici que la femme, effrayée et tremblante, sachant ce qui s’était passé en elle, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
- Alors Jésus lui dit : « Ma fille, ta foi t’a redonnée la Vie ! va en paix, toi qui es bien guérie de ta plaie. »
- Et voilà qu’interviennent des gens de la maison du chef de synagogue pour répéter ce qu’ils avaient à lui dire : « Ta fille, elle est morte ; pourquoi veux-tu importuner encore un enseignant ?[2] »
- Mais Jésus, sans tenir compte de ces paroles, dit à ce chef de synagogue : « Ne crains pas, reste dans la foi. »
- Et Il ne permit à personne de l’accompagner, si ce n’est à Pierre, à Jacques, et à Jean, le frère de Jacques.
- Ils vinrent à la maison, celle de ce chef de la synagogue, où Jésus vit une foule bruyante et des gens qui pleuraient et en grandes lamentations.
- Il entra, et leur dit : « Pourquoi être bouleversés ? , et pourquoi pleurez-vous ? La jeune fille n’est pas morte, mais elle dort. »
- Et ils le raillent. Alors Jésus les met dehors tous mais il prend avec lui le père de la jeune fille et sa mère, et ceux qui l’avaient accompagné, et Il entre là où était allongée la jeune fille terrassée.
- Il prend la main de la jeune fille, et lui dit : Talitha koumi, ce qui signifie : Jeune fille, relève-toi.
- Aussitôt la jeune fille se lève et se met à marcher, elle avait ses douze ans. Et ils furent dans un grand étonnement devant ce grand et merveilleux évènement.
- Jésus leur fit des recommandations fortes, plusieurs fois, pour que personne ne sût la chose ; puis il dit de lui donner à manger.
Commentaire et contexte de cet Évangile
Après avoir donné à ses disciples un enseignement solide (et qu’ils doivent connaitre par cœur), Jésus les envoie annoncer la Bonne Nouvelle du Royaume, en leur imposant une méthode de prédication des plus rigoureuses. Les 12 puis les 72 devront notamment partir « deux par deux » et enseigner dans les maisons et au sein des familles. Et il faut voir que cette annonce aura vocation à changer la société juive en profondeur ; en lui imposant une évolution dont le texte de Marc a justement pour but de bien faire comprendre la nature et la radicalité : à savoir le rôle éminent que Jésus entend désormais confier aux femmes dans la transmission de la Parole de Dieu.
Les deux miracles que Marc rapporte dans le texte d’aujourd’hui sont essentiels pour comprendre la nature de cette mutation ; et aussi pour saisir ce qui fera la différence entre la femme du Nouveau et celle de l’Ancien Testament.
Que leur prédication s’accompagne ou non de miracles, la présence des missionnaires au sein même des familles est évidemment de nature à y produire du dérangement et à modifier notoirement le rôle de chacun : le rôle des hommes qui, avec les apôtres de Jésus se trouvent en présence d’un nouveau type de lévite (et sont même confrontés à un véritable bouleversement du lévirat) ; mais aussi et surtout le rôle des femmes qui vont voir s’élargir considérablement leur fonction traditionnelle de « mère de mémoire ».
La guérison de la femme au flux de sang et celle de la fille de Jaïre sont deux miracles que Marc réunit à dessein dans un même évangile. Ils sont pour ainsi dire enchâssés l’un dans l’autre. Ce sont des « paraboles jouées » qui ont chacune leur logique propre et dont il faut essayer de saisir en quoi elles se font écho et se complémentent, pour donner un enseignement global, à la fois cohérent et complexe.
Avant que de s’intéresser à ce texte capital, il est bon de rappeler au passage que le premier miracle de Jésus a eu lieu à Cana, au cours d’une noce, et que le Seigneur l’a opéré à l’instigation de sa mère à qui on l’a entendu répondre : « femme que me veux-tu ? ». Ainsi, d’entrée de jeu, l’Evangile montre que dans la fondation de l’Eglise, le rôle de la femme avait vocation à être prioritaire et finalement beaucoup plus profond et beaucoup plus déterminant que celui de l’homme.
La femme au flux de sang
La première guérison rapportée par Marc concerne la vie sur terre, et elle porte sur une croyance très ancrée dans la mentalité des juifs du temps de Jésus : la notion d’impureté.
La femme hémorroïsse n’est pas seulement condamnée à ne pas avoir d’enfant, elle souffre d’une cruelle mise à l’écart de la part de la société juive tout entière. Tout écoulement de sang y est en effet réputé impur ; et au même titre qu’un homme blessé, la femme qui a ses règles n’a pas le droit de se produire sur l’espace sacré du temple. C’est pour cela du reste que la femme qui fend la foule pour s’approcher du Seigneur prend bien garde de ne pas toucher son corps. Elle se contente d’effleurer la frange de ses vêtements.
Ainsi la guérison de l’hémorroïsse est-elle lourde de sens symbolique. En l’opérant Jésus impose en réalité un grand changement dans la situation des femmes d’Israël ; lesquelles échapperont désormais à ce soupçon d’impureté que la Torah faisait lourdement peser sur elles ; si lourdement d’ailleurs que dans la Karazoutha-source, en l’année 30, Pierre et Jean semblent avoir voulu éviter ce sujet encore trop scabreux, en ne mentionnant pas la guérison du flux de sang, mais seulement l’épisode de la fille de Jaïre.
La fille de Jaïre
Si la guérison de l’hémorroïsse concerne seulement la vie sur terre, celle de la fille de Jaïre se situe clairement dans le shéol ; c’est-à-dire dans cet au-delà de la vie où s’effectue « l’évaluation des peines » et où, après la « première mort », l’homme peut encore accueillir ou refuser l’amour que Dieu ne cesse de lui proposer.
L’expérience qu’y fait la jeune fille (et qu’y feront à leur tour le fils de la veuve de Naïm et Lazare), ressemble fort à ce que nous appellerions aujourd’hui une expérience de mort imminente (EMI).
Dans l’au-delà, Jésus va à la rencontre de la jeune fille pour lui demander de l’épouser et de revenir sur terre afin d’y exercer une vocation tout à fait singulière qui consistera à être sa « veuve ». C’est en somme un mariage mystique qu’Il lui propose en la tirant de ce qui n’est qu’un sommeil ; un mariage auquel il fait d’ailleurs allusion en lui prenant symboliquement la main et en lui faisant donner à manger ; comme le ferait un fiancé avec sa jeune épouse.
Devenue « la veuve de Jésus », la fille de Jaïre aura au plan spirituel toutes les prérogatives que les veuves d’Israël avaient dans la vie quotidienne ; celles qui étaient normalement réservées à leurs défunts maris : parler en public, se pourvoir devant les tribunaux, commander aux serviteurs…
En somme la fille de Jaïre se verra investie d’un ministère spirituel éminent qui sera celui des grandes mystiques ; un ministère dans lequel on peut voir la préfiguration d’une sorte de diaconat féminin et qui serait resté parfaitement inenvisageable si la femme n’avait pas été lavée par le Christ de tout soupçon d’impureté.
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par Pierre Perrier
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