Luc 13,1-9
Un Dieu de Miséricorde

Les éléments qui composent cet évangile sont tirés du Collier de la Miséricorde ; c’est-à-dire de l’une des 17 collections thématiques qui ont constitué le matériel catéchétique de l’Église des origines. Les diacres et les missionnaires y ont puisé des « petgames[1] » pour composer leurs enseignements, et faire aux hommes cette annonce extraordinaire qui est le cœur même de la Bonne Nouvelle : le Dieu d’Israël est un Dieu d’Amour qui pardonne plus volontiers qu’Il ne sévit, et qui porte sur ses créatures pécheresses un regard fait d’indulgence autant que de justice.
Données introductives sur Luc 13,1-9
Évangile du dimanche 23 mars 2025 : | 3e dimanche de Carême - Année C |
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Synopse de cet évangile : |
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Complément d'information : | Marie Mère de l’Église pages 522, 537 et 575 |
Niveau d’enseignement : | 1er niveau : catéchèse de Jésus aux familles, "dans les maisons" (pour tous) |
Collier évangélique : | Collier de la Miséricorde |
Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles. Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-Même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. |
L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc
chapitre 13, versets 1 à 9
Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.
- [1]Or, en ce temps-là vinrent des hommes ; ils Lui parlèrent des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices.
- Et Jésus en retour leur dit cette nouvelle compréhension à propos de ces Galiléens : les pensez-vous bien plus pécheurs parmi tous les Galiléens pour avoir été traités ainsi ?
- Non, je vous le dis mais si vous ne vous repentez pas vous périrez tous de même.
- Il en a été de même pour ces dix-huit sur qui la tour de Siloé est tombée et qu’elle a tués ; pensez-vous qu’ils étaient plus pécheurs que tous les hommes qui habitaient Jérusalem ?
- Non, je vous le dis mais si vous ne vous repentez pas vous périrez tous de même.
- Et Il dit cette parabole[2] : un homme avait un figuier planté dans sa vigne ; il vint y chercher des fruits, et il n’en trouva pas.
- Et il dit au jardinier : voici trois ans que je viens chercher des fruits de ce figuier, et je n’en trouve pas ; coupe-le donc car il occupe inutilement un espace de terre.
- Mais le jardinier lui répondit : Mon Seigneur, laisse-lui encore la fin de saison jusqu’à ce que je l’ai jardiné et fumé[3],
- et en allant vers l’an prochain, s’il ne produit pas de fruits, je le couperai.
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Commentaire et contexte de cet Évangile
Un ternaire pédagogique
Les trois premiers exemples que Jésus propose ici à ses auditeurs tournent autour de la même idée. Elle vise à la fois à ramener la culpabilité de chaque individu à la juste mesure de sa responsabilité ; et à écarter résolument cette opinion, si profondément ancrée dans les mentalités des hommes de l’Antiquité, selon laquelle les malheurs endurés par l’homme seraient une manifestation de la colère divine et donc la juste rémunération de ses péchés personnels.
Chacun de ces exemples est en somme une invitation à s’interroger sur la vraie nature du péché et sur la culpabilité réelle de ceux qui en sont accusés ; mais aussi et peut-être surtout sur celle de leurs accusateurs ; de tous ceux qui, à l’imitation des « pharisiens hypocrites », se permettent de condamner au nom de Dieu sans s’être préalablement livrés à un examen de conscience approfondi et sincère.
Les Galiléens victimes de Pilate
En mélangeant le sang des Galiléens avec celui des animaux qu’ils sont venus offrir en sacrifice, Pilate n’a nullement accompli la volonté du Très-Haut. Si ces malheureux ont trouvé la mort dans une embuscade tendue par les Romains et au moment même où ils accomplissaient leurs devoirs religieux, ce n’est pas en raison de leur manquement à la Loi. C’est parce qu’en cherchant à concentrer dans leurs mains la totalité des pouvoirs, les chefs des prêtres leur ont interdit de faire les célébrations ailleurs qu’à Jérusalem. Ils n’ont pas du tout compris le sens de ces paroles que Jésus a prononcées à l’adresse de la Samaritaine : « Vous n’irez plus ni sur cette montagne[2] ni à Jérusalem pour adorer le Père... les vrais adorateurs adoreront en esprit et en vérité ».
La tour de Siloé
De même, si cette fameuse tour s’est effondrée, ce n’est pas du tout parce que les péchés des victimes sont remontés jusqu’au trône de Dieu et ont déclenché sa colère. C’est tout simplement parce que les maçons, dans leur hostilité orgueilleuse contre l’architecture d’influence grecque imposée par Hérode, ont mal fait leur travail et qu’ils ont choisi d’élever cet édifice en dépit du bon sens, et à un endroit de la vallée du Cédron où l’on sait fort bien que les risques sismiques sont élevés. Le manque de conscience professionnelle n’est-il pas la cause de bien des drames et ne procède-t-il pas bien souvent d’un relâchement de la morale et d’un affadissement de la foi ?
Le figuier stérile
Si le figuier n’a pas donné de fruit, c’est faute d’avoir reçu en temps voulu les soins qui lui auraient permis de croître : c’est à la fin de l’hiver que cet arbre doit recevoir du fumier, si l’on veut en cueillir les fruits au printemps et les consommer pendant la période estivale. La responsabilité de la future récolte, c’est au propriétaire et à son jardinier qu’elle incombe et il n’y a pas lieu de maudire un malheureux végétal qui n’est nullement responsable de sa propre infécondité.
Il en va d’ailleurs de même pour la sagesse dont cet arbre est traditionnellement le symbole. En s’inspirant du rythme de la nature, le bon pédagogue doit savoir l’instiller avec méthode dans l’esprit de son disciple, puis attendre avec patience qu’elle y porte du fruit. C’est d’ailleurs ce que faisaient les diacres de la première Église. Ils enseignaient la Parole de Dieu pendant les « écoles d’hiver » et ils attendaient Pâques pour qu’elle éclose et puisse nourrir les fidèles au cours des « écoles d’été ».
La femme courbée
Ces trois exemples sont donc consacrés à la cause des malheurs qui assaillent les individus :
- à la responsabilité des chefs religieux avec la mort des Galiléens ;
- à la responsabilité des décideurs politiques, avec les victimes de la tour de Siloé ;
- et même, avec l’image du figuier stérile, à la responsabilité de ceux qui auront à annoncer l’Évangile.
Dans les versets qui suivent (11 à 17), l’évangile de Luc conclut son texte par une parabole qui élargit sensiblement la question, en évoquant un malheur qui affecte le peuple de Dieu dans son ensemble. C’est une maladie spirituelle que symbolise l’incapacité de la femme à tourner son regard vers le Ciel et dont Jésus rend très clairement responsables les prêtres et les docteurs de la Loi ; tous ces hommes de pouvoir qui ont mis la main sur les institutions du Temple de Jérusalem et prétendent régenter à leur guise la vie religieuse et la morale d’Israël.
Si le texte précise que la maladie de cette femme dure depuis 18 ans, c’est peut-être en effet pour associer son mal (qui est celui de tout le peuple de Dieu) avec ce qui s’est passé à ce moment de l’histoire : à savoir, la fin du rôle pacificateur d’Hillel et la collusion de Shammaï et de ses disciples pharisiens avec les pouvoirs en place ; avec l’avènement d’un fondamentalisme pointilleux et austère, parfaitement étranger à l’esprit de miséricorde qu’enseignait déjà Hillel et qui devait se manifester pleinement avec Jésus.
Vers trois prophéties apocalyptiques
Ces trois textes se succèdent dans l’évangile de Luc et sont exprimés de façon plus précise chez Matthieu. Le lecteur pourra les méditer comme une annonce de l’Apocalypse faite par Jésus lui-même[3]. Il marque trois étapes :
- S’il ne donne pas de fruits au bout de trois ans, le figuier - image de la sagesse d’Israël - devra être coupé. C’est ce qui arrivera à la Passion.
- L’effondrement de la tour de Siloé et le massacre des Zélotes galiléens annoncent l’effondrement d’Israël en 70, c’est à dire à l’époque où, excédés par les exactions du peuple et l’inconstance de ses dirigeants, les Romains détruisent le Temple.
- La femme courbée annonce un effondrement général des civilisations humaines ; il sera la conséquence de leur oubli de la Révélation et de leur immoralité croissante.
Courons vite au collier de la Miséricorde !
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La tour de Siloé
James Tissot entre 1886 et 1894
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22 mars , par Erik
Bonjour Monsieur,
Dans le commentaire de l’évangile du dimanche 23 mars vous évoquez le miracle de la guérison de la femme courbée (Lc 13,10-17).
Vous justifiez la mention des 18 ans par la mort du roi Hérode et la prise du pouvoir religieux par Shammaï.
Ne vouliez-vous pas évoquer plutôt la mort du célèbre rabbi Hilell, chef des rabbis et du Sanhédrin, dont la mort est estimée vers 10 justement ?
Car si Jésus est mort et ressuscité en 30, Hérode le Grand est mort vers -4 et Hérode, tétrarque de Galilée, qui lui a succédé, est encore vivant au moment de ce miracle (vers 28).
Bien à vous.
Erik
28 mars , par Pierre Perrier
Nous vous remercions d’avoir soulevé cette erreur et nous avons rectifié le commentaire en conséquence :
de :
Si le texte précise que la maladie de cette femme dure depuis 18 ans, c’est peut-être en effet pour associer son mal (qui est celui de tout le peuple de Dieu) avec ce qui s’est passé à ce moment de l’histoire : à savoir, la fin du rôle pacificateur d’Hillel et la collusion de Shammaï et de ses disciples pharisiens avec les pouvoirs en place ; avec l’avènement d’un fondamentalisme pointilleux et austère, parfaitement étranger à l’esprit de miséricorde qu’enseignait déjà Hillel et qui devait se manifester pleinement avec Jésus.
à :
Si le texte précise que la maladie de cette femme dure depuis 18 ans, c’est peut-être en effet pour associer son mal (qui est celui de tout le peuple de Dieu) avec ce qui s’est passé à ce moment de l’histoire : à savoir la mort du roi Hérode et surtout la prise du pouvoir religieux par Shammaï et ses disciples pharisiens ; avec l’avènement d’un fondamentalisme pointilleux et austère, parfaitement étranger à l’esprit de miséricorde qu’enseignait déjà Hillel et qui devait se manifester pleinement avec Jésus.