Luc 18,9-14
Qui s’élève sera abaissé et qui s’abaisse sera relevé
Évangile du dimanche 26 octobre
par Pierre Perrier, académicien
Dieu est Miséricorde : telle est l’annonce centrale de la Bonne Nouvelle. Encore faut-il que les missionnaires sachent en expliquer le sens et que les fidèles apprennent à se laisser interpeller et transformer par Elle, dans le fond de leur cœur.
Clin d'œil pour un nouveau regard sur la catéchèse :
Cet évangile n’est-il pas une mise en garde contre l’humanisme larmoyant des médias et contre une foi noyée dans les bons sentiments ?
Données introductives sur Luc 18,9-14
Évangile du dimanche 26 octobre 2025 : | 30e dimanche du Temps Ordinaire |
---|---|
Synopse de cet évangile : | Luc 14,11 |
Niveau d’enseignement : | 1er niveau : catéchèse de Jésus aux familles, "dans les maisons" (pour tous) |
Collier évangélique : | Collier de la Miséricorde |
Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles. Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. |
L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc
chapitre 18, versets 9 à 14
Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.
- [1]Et Il se mit encore à dire une parabole contre ces hommes qui s’auto-persuadent d’être justes et méprisent tout le monde.
- Deux hommes montèrent au Temple pour prier, l’un était pharisien et l’autre publicain.
- Et voilà que le pharisien se tenait bien droit et priait ainsi en lui-même : "Ô Dieu, je vous rends grâce de ne pas être comme le reste des hommes : cupides, injustes, adultères[2], et pas comme ce publicain.
- Mais je jeûne, moi, deux fois la semaine et je donne, moi, la dîme sur tout ce qui m’appartient."
- Et voilà que le publicain se tenait debout au loin, et il n’osait pas lever les yeux vers le Ciel, et il se frappait la poitrine, et il disait : "Ô Dieu, aie miséricorde de moi pécheur."
- Moi Je vous dis que celui-ci descendit dans sa maison bien plus justifié que le pharisien ; car tout homme qui s’élève en lui-même sera abaissé et tout homme qui s’abaisse en lui-même sera relevé.
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Commentaire et contexte de cet Évangile
Problème de traduction sur le grec
L’idée selon laquelle les évangiles ont été originellement fixés par écrit et dans la langue d’Homère, n’a pas manqué de semer la confusion dans l’esprit des Chrétiens. À beaucoup d’exégètes et de traducteurs, elle a inspiré des interprétations ambiguës ou même erronées que les chercheurs en lien avec l’Église d’Orient s’efforcent aujourd’hui de corriger. Ce qu’ils font en se reportant aux textes araméens d’origine et en s’intéressant aux traditions et aux modes de pensée des anciennes églises apostoliques de l’Orient.
La tragédie grecque et le goût du « pathos »
La notion de « miséricorde » est particulièrement significative à cet égard. Si l’araméen emploie un terme particulier pour l’exprimer (hannana)[1] et si le latin dispose, avec le mot « misericordia », d’une traduction relativement fidèle, il est en revanche à regretter qu’elle n’ait pas trouvé un équivalent approprié dans la langue grecque dont l’influence fut si forte dès les premiers siècles de l’Église et tout au long de son histoire[2].
L’influence de l’hellénisme et de sa brillante culture a en effet lourdement pesé sur les traductions de l’Évangile, et même sur la compréhension de leurs enseignements ; singulièrement à travers l’art dramatique dont on sait à quel point il a excellé dans l’art de peindre les sentiments de l’homme et les misères de son cœur. Le génie de la tragédie attique n’a-t-il pas été d’émouvoir les spectateurs, en mettant sous leurs yeux les drames de la destinée humaine ? Leur inspirant ainsi des sentiments de pitié, de fatalisme et de désespoir qui faisaient merveille dans les pièces d’Eschyle mais étaient, à la vérité, assez étrangers à l’espérance de salut qui, dès le début de l’Exode, éclaire la route des enfants d’Abraham et illumine les premiers pas du genre humain.
Kyrie Eleison
C’est notamment une erreur lourde de conséquences que d’avoir traduit le Kyrie Eleison par la formule « Seigneur, prends pitié ». En effet le texte araméen ne laisse pas du tout penser que, pour agir en faveur de l’homme et le faire bénéficier de Sa Miséricorde, Dieu ait jamais eu besoin d’éprouver un quelconque sentiment de pitié. Chez Lui, la Miséricorde est plutôt à concevoir comme une qualité ontologique. C’est un état naturel de tranquillité souveraine et aimante dont la seule contemplation est de nature à renouveler en profondeur le cœur de l’homme qui se tourne vers elle.
Avec Jésus et quel que soit l’enthousiasme que peuvent inspirer ses Paroles, la foi ne devra pas consister à faire assaut de bons sentiments et à les proclamer à la cantonade. Elle agira silencieusement et comme par contamination, au plus secret des cœurs.
Le pharisien, le publicain et la Miséricorde
Au demeurant cette incompréhension relative à l’idée de miséricorde n’est pas le fait des seuls païens. Elle concerne également ces fidèles enfants d’Israël à qui Jésus est venu en faire l’annonce et qui sont encore bien loin de pouvoir en comprendre la véritable nature.
C’est ce qu’illustrent, chacun à sa manière, les deux personnages que Luc met en scène dans cet évangile. Le pharisien et le publicain s’y font écho, d’une manière presque caricaturale, pour représenter deux comportements totalement opposés et qui étaient courants dans la pratique religieuse de l’époque.
Le pharisien transforme en une scène de théâtre le Temple où il vient donner le spectacle de sa bruyante dévotion. Debout au milieu de ce parterre, il se réjouit de mettre en valeur les beaux sentiments qui l’animent et qui, pense-t-il, l’autorisent à se considérer, non pas comme un simple membre du « Peuple élu », mais comme un « pharisien », c’est à dire - au sens étymologique de ce mot - comme un « séparé » à l’intérieur du peuple élu. En disant : « Merci de ne pas être comme le reste des hommes », il révèle en vérité tout le fond de son caractère et il se condamne lui-même. L’exégèse de Shammaï[3] et de ses disciples lui a donné la certitude d’être un juste et de pouvoir soutenir à son avantage la comparaison avec n’importe lequel des hommes qui prient en silence à côté de lui.
Hélas pour lui et sans qu’il s’en doute, sa relation à Dieu est étrangère à tout véritable sentiment de miséricorde. Elle obéit à une contentieuse logique du donnant-donnant qui consiste à échanger de petits gestes d’obéissance et de piété contre des récompenses que l’homme espère bien obtenir de Dieu par retour et surtout à la vue de tous ceux qui l’observent.
L’attitude du publicain est toute différente. Conscient de la gravité de ses fautes comme de l’opprobre que son métier honni des Juifs fait peser sur lui, il n’ose ni ouvrir la bouche, ni tourner les yeux vers l’autel de Dieu. Il se tient simplement en présence de la Divine Miséricorde afin de se laisser configurer à elle ; c’est-à-dire de devenir lui-même Miséricorde, à force de la laisser émonder son cœur : n’est-ce pas sa prière que répètent continuellement les moines du mont Athos, et qui est devenue traditionnelle dans leur chapelet : « Ô Dieu, aie Miséricorde de moi pécheur ».
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Le pharisien et le publicain
James Tissot - 1886-1894
Brooklyn Museum

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