Luc 4,1-13

Les quarante jours de Jésus au désert : une tentation en trois piqûres

Évangile du dimanche 9 mars

En venant tenter Jésus de « toutes les manières possibles », le Malin révèle son incapacité à comprendre le plan que le Père et le Fils ont élaboré pour assurer le salut du genre humain : un plan qui s’appelle l’Incarnation et qui rendra possible l’union de Dieu et de sa créature dans un même « nous ».

Données introductives sur Luc 4,1-13

Évangile du dimanche 9 mars 2025 :	1^er dimanche de Carême - Année C
Synopse de cet évangile :	Marc 1,12-13 pour le début et la fin de Luc et Matthieu Matthieu 4,1-11
Niveau d’enseignement :	1^er niveau : Catéchèse de Jésus aux familles, "dans les maisons" (pour tous)
Collier évangélique :	Collier de Jean-Baptiste à Jésus
Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles ; Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. Consulter Les colliers évangéliques (2003) et La mémoire en damiers (2023) et Marie Mère de l’Église (2025).

L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Luc
chapitre 4, versets 1 à 13

Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.

^[1]Ce fut alors que Jésus, rempli de l’Esprit Saint, fut conduit par l’Esprit à remonter à partir du Jourdain dans le désert.^[2]
Quarante jours il fut tenté par la piqûre du "Dévoreur"^[3] et il ne mâcha^[4] rien en ces jours et quand ceux-ci furent achevés il eut faim.
Et celui qui [vous^[5]] dévore par ses piqûres lui dit : Si tu es Fils de Dieu parle à cette pierre pour qu’elle soit du pain.
Jésus répondit et lui dit : il est écrit : "Ce n’est pas de ce qui vient du pain seulement qu’un fils d’homme a les vies mais aussi de tous les petgames^[6] venant de Dieu."
Et le Satan Le fit monter sur une haute montagne et Lui décrivit tous les royaumes de la terre de façon concise,
et celui qui dévore par ses piqûres lui dit : à Toi je donnerai tout le Pouvoir politique et la Gloire parce qu’à moi ils m’ont été transmis et à celui à qui je veux moi je la donne.
Donc si Tu te prosternes devant moi, à Toi elles seront toutes.
En réponse Jésus lui dit : "Il est écrit que devant le Seigneur-Dieu qui est ton Dieu, toi tu as à te prosterner et de Lui seul tu seras le serviteur."^[7]
Et il Le fit être à Jérusalem et Le mit debout au bord de la corniche du sanctuaire^[8] et Lui dit : "Si Tu es le Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas".
Car il est écrit : "ses anges pour Toi ont l’ordre d’être tes gardiens"^[9]
et prendront soin de Toi de sorte que Tu ne trébuches pas contre les pavements de pierres.
Alors Jésus lui répondit : "tu ne tenteras pas le Seigneur-Dieu ton Dieu."
Et quand celui qui vous dévore par ses piqûres eut porté à leur comble toutes ses tentations, il s’éloigna de Lui jusqu’à un [autre] temps.

Notes sur ces versets :

[1] Nous sommes probablement à la fin du mois de janvier 27.

[2] Le désert signifie ici un espace désert d’hommes mais herbeux et non pierreux.

[3] akhelkartza, en araméen ܐܵܟ݂ܸܠܩܲܪܨܵܐ, signifie la piqûre du Dévoreur, comme cette catégorie d’insectes qui se nourrit de sang en piqûant ses victimes, et que l’on retrouve fréquemment dans les déserts...

[4] Par ce mot le verset précise bien que le jeûne est alimentaire et qu’il ne concerne pas la boisson, ce qui n’est pas supportable pendant quarante jours à un homme, et à Jésus fait homme.

[5] Le Démon pique Jésus comme chacun de nous.

[6] Un petgame, est une phrase structurée pour être mémorisée facilement.

[7] En araméen il faut distinguer le Seigneur-Dieu d’un simple Seigneur de la terre ; Il s’agit ici de Yod-hé-Wav-hé.

[8] Surplombant la porte centrale d’où sort le Grand-Prêtre.

[9] Voir ici un écho avec les anges qui montent et descendent l’échelle devant Jacob endormi (cf. Genèse 28,10 et suivants). Ces anges sont les anges les plus proches du Père : les "gardiens" du Trône, comme l’était Lucifer.

Revecez Etphata par email
grâce à notre lettre :

Commentaire et contexte de cet Évangile

La tentation : un système ternaire

C’est une seule et même tentation que le Démon a l’impudence d’inspirer à ce prince qu’est Jésus ; une tentation fondamentale dont on peut dire qu’elle englobe toutes les autres. Il la décline sous trois formes qui, pour être différentes dans leur objet, ne se constituent pas moins en un système unique, au sein duquel elles se suscitent et se complètent réciproquement, selon un schéma ternaire.

Il y a une tentation que le Malin essaie de faire naître dans le cœur de Jésus, en y attisant le souci des choses matérielles. C’est à cette fin qu’il l’invite à « changer les pierres en pains ».
Il y a cette autre tentation qu’il pratique en jouant sur la soif de pouvoir et en proposant à Jésus de Lui donner « tous les royaumes de la terre ».
Et il y a enfin la tentation qu’il essaie sournoisement d’insinuer, en jouant de cet orgueil que le savoir procure toujours peu ou prou. En accomplissant le prodige extraordinaire qu’il Lui demande, Jésus révélera aux hommes la toute-puissance de sa Parole, mais Il les laissera aussi sans voix devant un enseignement devenu totalitaire ; et donc incapables d’entrer dans un vrai dialogue avec Lui.

Ce sont là trois tentations qui se constituent donc en un système global et dont nous pouvons chaque jour constater la diabolique efficacité dans les affaires du monde. Quelle autre pomme de discorde pourrait-on y trouver que le partage des richesses matérielles, que la compétition pour le pouvoir politique ou la domination idéologique des esprits ?

Ce que le Malin n’a pas compris

C’est un système dont on voit bien qu’il fonctionne en boucle. Mais on ne peut en comprendre pleinement les ressorts qu’en le rapportant au projet que le Père et le Fils ont élaboré dans l’effusion de l’Esprit Saint, et dans la surabondance de leur Amour ; un projet aux dimensions eschatologiques qui vise à rendre les hommes participants de leur divinité, et auquel le démon s’est lui-même condamné à ne rien pouvoir comprendre, le jour où sa jalousie vis-à-vis des autres créatures a entrainé sa chute et celles de tous les anges rebelles.
Qu’il puisse y avoir quelque chose de commun entre Dieu et l’homme et que leur relation puisse s’exprimer à travers un « nous », voilà bien ce que le Démon ne saurait en aucune façon concevoir. Lui qui pense n’exister que pour lui-même et par lui-même, comment pourrait-il comprendre et supporter l’idée de cette humilité que le Tout-Puissant a manifesté en la Personne de son Fils ; de ce Fils qui est à la fois « vrai Dieu et vrai homme » ?

Jésus a choisi de bâtir le Royaume du Père

Bien sûr, même au fond du plus aride des déserts, Dieu pourrait donner du pain aux hommes comme il a donné des cailles aux Hébreux ; et de l’eau, lorsque Moïse a frappé le rocher de son bâton.
Mais la volonté du Fils n’est que de réaliser la volonté du Père ; et de mener à bien ce plan de Salut qu’Ils ont préparé dans l’Esprit Saint. Et pour cela Il se doit d’accepter cette misère matérielle et cette souffrance qui sont inhérentes à la condition humaine.
Bien sûr Dieu pourrait établir son Fils sur le trône de David dont Il est l’héritier légitime, et lui donner de surcroît tous les royaumes de la Terre ; afin qu’Il y règne comme le font les puissants de ce monde, en exploitant des faiblesses qui sont elles aussi inhérentes à la nature humaine. N’est-Il pas le Souverain Maître de l’Histoire ? Mais ce que choisit Jésus c’est d’établir un Royaume de Dieu qui sera aussi « le fruit du travail des hommes », et cela malgré leurs faiblesses, leurs péchés.
Bien sûr Dieu pourrait obliger les hommes à penser ce qu’Il voudrait qu’ils pensent. N’est-Il pas le Créateur de leur esprit aussi bien que de leur corps ? Mais le Royaume que Jésus vient fonder, selon le plan de la Divine Trinité, est fait pour des hommes libres, responsables de leurs pensées.

Loin des utopies révolutionnaires

L’enseignement de Jésus n’a rien d’une théorie révolutionnaire. Il ne promet pas de faire de la Terre un pays de Cocagne où les bons sauvages de Jean-Jacques Rousseau pourraient couler des jours heureux. Il ne propose pas de fonder une de ces citées utopiques qu’affectionnaient tant les anarchistes du XIXe siècle ; et Il ne propose pas non plus de conformer ses disciples à un modèle humain idéal ou à faire d’eux des surhommes. Il prend les hommes tels qu’ils sont, dans un monde tel qu’il est et Il donne Sa propre Vie pour les tirer des griffes du Démon.

C’est ce qu’Il exprime dans la prière que rapporte le chapitre 17,15 de saint Jean. Il y dit en effet : « Je ne te demande pas de les retirer du monde mais de les préserver du Malin »... on pourrait ajouter... « et de ses tentations ».

Annoncer la Bonne Nouvelle ... nous concerne tous

Nous comptons sur vous pour partager ce contenu ; Invitez-y vos proches en leur communiquant l'adresse de cette page (url courte) :: https://etphata.org/122
Ou directement grâce aux liens suivants :: Facebook; X (Twitter); LinkedIn; Par email; WhatsApp

par Pierre Perrier