Marc 8,27-35

Jésus se révèle à ses disciples : Il sera le Messie souffrant

Commentaire d’Évangile

Au terme du parcours pédagogique qu’il fait suivre à ses disciples, Jésus en arrive à un moment crucial. Il leur révèle son identité de Messie et de Fils de Dieu ainsi que la mission que le Père lui a assignée. Elle aura pour terme le supplice de la croix. Une croix qui sera le salut de tous les chrétiens.

Données relatives à Marc 8,27-35 :
Évangile du 15 septembre 2024 :	24^ème Dimanche du Temps Ordinaire - Année B
Synopse de cet Évangile :	Luc 9,18-23 Matthieu 16, 13-16 et 20-26
Niveau d’enseignement :	3^ème niveau : Enseignements de Jésus aux apôtres (pour les prêtres)
Collier évangélique :	Collier central
Note : Le découpage liturgique des évangiles ne révèle pas leur composition en damiers et en colliers de perles ; Rétablir cette connaissance - qui structure l'enseignement donné par Jésus Lui-même - apporterait richesse et facilité d'assimilation à la catéchèse. Consulter Les colliers évangéliques (2003) et La mémoire en damiers (2023).

L'Évangile de Jésus Christ selon Saint Marc
chapitre 8, versets 27 à 35

Note de traduction : pour des questions de droits d’auteur qui nous empêchent de publier le texte commun, nous vous proposons ici une traduction de l'Évangile depuis la Vulgate latine et la Peshitta araméenne. Bien qu'imparfaite, notre traduction cherche à favoriser la conservation du contexte de ces deux traditions ecclésiales. La pertinence de cette page tient davantage au commentaire proposé à sa suite.

Et Jésus et ses disciples sortirent des faubourgs de « Césarée de Philippe » et sur la route Il interrogea ses disciples en leur disant : « que disent les gens de Moi, pour eux Qui Suis-je ? »^[1]
Ils disent : « Tu es [pour eux] Jean le Baptiste » , et pour d’autres « Elie », et encore d’autres : « Un des Prophètes ».
Jésus leur dit : « Mais vous, qui dites-vous que Je suis ? »
Simon-Pierre répondit en Lui disant : « Vous êtes le Messie, le Fils du Dieu Vivant ».
Il leur intima avec force de n’en parler à personne.^[2]
Il commença donc à les instruire en leur disant que le Fils de l’homme aurait à souffrir beaucoup et à être rejeté par les Anciens, les grands prêtres et les scribes en sorte qu’Il soit tué ; mais qu’Il se relèvera le troisième jour.
Et Il leur fit répéter cette phrase comme une « révélation éclairante à méditer ».
Alors Pierre Le prenant à l’écart commença à le Lui reprocher avec force.^[3]
Mais Il se retourna vers tous et Il le reprocha à Simon en disant : « Remets-toi à Ma suite, Satan !^[4] , tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. »^[5]
Et Jésus appela le peuple ensemble avec les disciples, et leur dit : si quelqu’un veut suivre Ma Halakka [marcher à Ma suite] qu’il renonce à lui-même [dans le bas monde] et qu’il prenne sa croix [qu’il s’élève prenant Mon échelle] et Me suive !^[6]
Ceux qui cherchent la vie en eux-mêmes la perdront mais ceux qui perdront la vie à cause de Mon Évangile, même s’ils meurent, la retrouveront meilleure.

Notes sur ces versets :

[1] Césarée de Philippe est le fief de Philippe, fils d’Hérode. De là, Jésus et ses disciples prennent la route en direction de Césarée (de la mer) qui est le siège du pouvoir romain. A mi-chemin, en arrivant au mont Carmel, ils bifurqueront vers l’est et la Décapole.

[2] En effet, il fallait éviter de provoquer les judéens et d’être rejeté par les grands-prêtres.

[3] Nous répétons l’expression "avec force" pour évoquer le caractère rythmé de la phrase araméenne.

[4] Satan est celui qui, dans une décision incertaine, propose une idée fausse. Il est l’accusateur et celui qui insinue le mensonge.

[5] Si c’est bien Pierre qui a donné la bonne réponse sur qui est Jésus, quand il s’oppose à Lui il redevient celui qui doit L’écouter. Jésus utilise alors "Simon" et non "Pierre" pour signifier au disciple qu’il trahit la mission qu’Il lui a confié avec ce surnom de Pierre.

[6] En araméen, le mot employé a un double sens : croix et échelle.

Commentaire et contexte de cet Évangile

La Halakha qui met l’esprit dans l’attente d’une révélation

Comme cela est habituel chez les rabbis d’Israël, Jésus donne souvent son enseignement à l’occasion d’une Halakha ; c’est-à-dire pendant un déplacement au cours duquel Il révèle sa pensée « chemin faisant », en procédant étape par étape et avec méthode. Cette déambulation physique sert de modèle au déploiement et à l’enchainement des pensées ; et il rythme le chemin d’apprentissage que l’esprit des disciples doit apprendre à suivre et à mémoriser.

Mais il faut voir que dans l’évangile qui nous est proposé comme lecture, la Halakha de Jésus a pour but de mettre l’esprit des disciples en marche vers une révélation qui doit se produire et qui concerne le cœur de Sa mission ; vers une révélation fondamentale et éblouissante dont la version araméenne du texte souligne d’ailleurs l’importance en lui appliquant une image excessivement forte. Au verset 32, le mot "eïnbaglé"ܘܥܝܢ ܒܓܠܐ évoque la porte d’un four qui s’ouvre soudain pour laisser apercevoir la lumière éblouissante du foyer.

La fin des temps prophétiques

Cette révélation capitale, le texte de Marc la donne en deux étapes successives et bien distinctes.

La première étape porte sur l’identité de Jésus et sur Sa mission. Ces deux points sont évoqués à la fois à travers la question que le Maître pose à ses disciples : « que disent les gens de Moi, pour eux Qui Suis-je ? » ; et à travers les réponses que ceux-ci ont reçues et Lui rapportent : « Tu es [pour eux] Jean le Baptiste » , et pour d’autres « Elie », et encore d’autres : « Un des Prophètes ».

Evidemment ce n’est pas une réincarnation que les apôtres ont à l’esprit en parlant de la sorte. La question qu’ils se posent n’implique aucune croyance de ce type. Pour eux, il s’agit simplement de savoir quelle place Jésus occupera dans l’histoire du Salut ; et si son rôle sera analogue à celui qu’ont joué tous ces prophètes qui, étape après étape et siècle après siècle, ont préparé Sa venue.

Jésus est bien plus qu’un prophète

Le choix des deux noms que mentionne le texte de Marc n’est d’ailleurs nullement indifférent. Il montre clairement que Jésus ne sera comparable à aucun d’entre eux. Contrairement à Jean-Baptiste qui n’a été qu’un « précurseur », Il est Lui-Même « Celui qui doit venir » et que le monde attend ; autrement dit : Il est le Messie. Quant à Elie, qui a bien eu le privilège de monter au ciel sur un char de feu, il n’est pas comme Jésus « descendu d’auprès du Père ». A la différence de Jésus, il n’a eu aucunement part à la divinité du Très-Haut.

Ainsi, à travers le court dialogue qu’Il échange avec ses disciples, Jésus se révèle-t-Il comme étant à la fois Fils de Dieu et Dieu Lui-Même. Avec Lui le temps des prophètes est définitivement clos. Et personne, venant après Lui, ne pourra plus prétendre à ce titre ; Mahomet pas plus qu’un autre !

Renaître avec Jésus

Dans la deuxième étape du texte, Marc évoque les conséquences qu’implique pareille révélation. Et ce sont de lourdes conséquences qui affecteront la vie de chaque croyant, et que Pierre a d’ailleur bien du mal à admettre. Jésus devra souffrir sa Passion et ses disciples devront le suivre sur ce chemin de douleur ; chacun se chargeant de sa croix.

Tiré du « damier de saint Pierre », le récit a été traduit en latin par Marc car il est au centre du damier de son évangile. Or il faut remarquer que, très significativement, il est complété par le récit de la Transfiguration ; récit qui associe des personnages deux par deux, en jouant sur l’analogie qu’on trouve entre les rôles qu’ils ont été appelés à jouer dans l’histoire du salut.

Lorsqu’Il apparait transfiguré, Jésus est accompagné par deux personnages de l’Ancien Testament : Moïse et Elie. Quant aux trois disciples qu’Il a choisis pour être les témoins de la scène, ils se tiennent en contre-bas du mont Thabor. Ce sont Jean, Pierre et Jacques.

Jean qui sera l’apôtre de la vie spirituelle, est présenté comme « un nouvel Elie ». A sa manière, il a comme lui vocation à monter au ciel.
En tant que chef de l’Eglise, Pierre est pour sa part appelé à devenir « le nouveau Moïse ». Il mènera le Peuple de Dieu.
Quant à Jacques, on peut dire qu’en portant sa croix et en devenant le premier des 12 apôtres à subir le martyr, il aura la gloire insigne de devenir le premier imitateur de Jésus.

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par Pierre Perrier